Les bagages, les housses de nos montures pointent le bout de leur nez sur le tapis roulant, un soupir de soulagement, nous sommes donc bien au Maroc pour du VTT !
Mohamed, la quarantaine avancée, sourire large nous accueille en nous débarrassant de notre barda. Premiers échangent, tout le monde se jauge. Nous sommes six à partager cette aventure marocaine, certains ne se sont jamais vus.
Le minibus chargé et quelques kilomètres dans la jungle urbaine, nous rentrons dans la Médina. Lieu de vie extraordinaire, l’ébullition est permanente entre cohorte de vendeurs à la sauvette, commerces, mendiants, dealers, la foule est dense, riche de sa diversité. Nous sommes devant l’hôtel, les yeux exorbités et, paradoxe le cerveau absent… l’âme déjà envoûtée par les compteurs de la place Jemaa El Fna ?
Cinq heure du mat’, nous quittons Marrakech.
Les montagnes du Haut-Atlas oriental se dresse devant nous, les cols s’enchaînent dans la stupéfaction et la torpeur, la chaleur aidant.
Les paysages scotchent tout le monde aux vitres, et la pléthore de singles délie les langues. La jubilation et l’extase montent dans le minibus, l’ambiance prend des faux airs de colo’, tout le monde y va de son commentaire et surtout la fin de la route point au loin…
La route est abandonnée et pour nous, l’heure de monter sur les biclous est arrivée. La vallée de la Tessaout pour ce premier jour nous déroule une longue piste, cassante à souhait mais également des paysages grandiloquents : oued, falaises, villages accrochés.
C’est également l’heure des premières rencontres, les femmes sortent des champs avec leurs énormes fardeaux de paille sur le dos, les enfants rieurs accourent à notre passage, les hommes conduisent les mules au prochain village pour le commerce.
Nous pédalons au rythme langoureux des gens du pays, la chaleur est pesante et le séjour à son premier jour alors nos ardeurs sont modestes.
Du coup, l’ambiance est soft sur les spads, nous reprenons contact avec les engins, les petites descentes donnent lieu à quelques tirages de bourre en règle, on ne se refait pas !
Le gîte est finalement atteint dans la quiétude. La prise de contact est bonne. Direction le village de Megdaz pour ce deuxième jour, dans lequel Mohamed tient à nous faire visiter un grenier ancien. Tout le monde prend l’option 4X4, sauf Romain et moi qui décidons de prendre les VTT. Y’aura bien un semblant de singles à descendre ! Bon ça sera de la piste jusqu’au bled puis portage jusqu’au grenier…
Depuis cette vigie désuète où le chef du village nous explique l’origine et la fonction de ces greniers, une petite vision panoramique nous dévoile notre nirvana.
En fait, un joli single, parallèle au tracé de la piste nous permettra de regagner nos pénates sans un coup de pédales. Quand la chance s’allie à nos envies !
Après cette partie de manivelles, tout le monde se retrouve sur les spads et nous reprenons finalement la continuité de la piste de la veille pour nous enfoncer dans cette vallée de la Tessaout.
Le lendemain, au départ tout le monde se retrouve à armes égales, à savoir pédibus. 1300 mètres de positif devant nous, tout en portage.
Du single nous faisons quelques images sur un passage en corniche où la vue révèle tout le contraste d’une terre telle que le Maroc. Monde minéral par excellence dans lequel la verdure des Oueds se fait fil conducteur de la vie outrepassant l’aridité.
Nos yeux sont galvanisés par cette débauche d’exubérance naturelle tant dans les formes géologiques, dans le patchwork de couleurs que dans la présence humaine qui semble hanter la moindre parcelle de montagne.
Le col nous dévoile un immense plateau sur lequel sillonne un single. Légèrement descendant, technique, cassant, la prise de risque est importante mais nul ne peut bouder son plaisir à déambuler à 3000m sur ce single.
Surtout que le trio, Loïs, Romain et moi est en canne et personne ne veut se faire décrocher. Du coup, c’est poignée en coin à chaque épingle, la poussière plonge tout le monde dans un brouillard épais, les trajectoires relèvent tantôt du suicide, tantôt de l’assassinat, des cris d’hystérie puis de frayeur se font entendre mais au final, là tout en bas, dans la verdure de ce plateau, tout le monde tient une patate d’enfer, et un sourire accroché bien haut !
Le grand jour est arrivé, celui de l’ascension du M’Goun et de ses 4071 mètres d’altitude.
5 heure du mat’, tout le monde se retrouve pour le petit déj. Nous sommes huit pour cette aventure, dont trois sur des VTT. 1300 mètres de positif de nouveau, des rêves plein la tête, une montée sans fin, un portage sans fin !
Au fil de la montée, nous nous projetons déjà pour la descente. Evaluer la faisabilité du projet, pourrons-nous rouler tout le long de la descente, serons nous assez lucides après la longue crête à plus de 4000m d’altitude ? Autant de questions sans réponses, tandis que la montée s’avale doucement mais sûrement.
Le col et ses 4000m nous fait face. Un névé à traverser et nos biclous goûteront aux joies de l’altitude. Le sommet est encore loin, 3 kms d’une crête exposée au vent violent où les cailloux poussent à vue d’œil !
Nous en avalons la plupart sur les vélos avant le portage final. Les derniers pas deviennent un dur labeur puis la délivrance, l’accomplissement, le sommet, nous le frôlons avec des VTT. Le moment de vérité est arrivé, avec une seule hantise : ne pas se faire mal.
Le vent se renforce et nous déséquilibre sur l’arrête sommitale.
La jouissance monte en nous, avec Romain et Loïs, nous réalisons notre chance, notre bonheur aussi.
Le single est dur, mais ça roule. Les organismes tiennent le coup, la mécanique des vélos aussi.
Des profondeurs abyssales nous entourent, l’horizon entraîne notre regard aux portes du désert et cette crête qui semble vouloir nous noyer dans l’immensité.
Nous nous sentons plus que jamais vivant !
Le meilleur est à venir pour ce jour et les suivants… Etant au point le plus haut de notre séjour, je vous laisse imaginer la suite. Des kilomètres de singles visibles depuis chaque col comme celui qui nous tend les bras.
Un chemin dans les éboulis de ce massif que nous avons longuement analysé durant la montée. Visible jusqu’à nos tentes, un fil conducteur d’adrénaline et de bonheur.
Et se dire que demain, après demain seront à la hauteur d’aujourd’hui. Des certitudes qui laissent songeur mais aussi des signes du destin puisque dans trois jours nous serons dans la vallée des Aït-Bouguemez, tout simplement la vallée heureuse en traduction littérale.
Des signes qui ne trompent pas, car les kilomètres de singles dévalés en compagnie de nos jouets préférés nous ont transportés au paradis.
Mathieu