Pays Cathare

Echelonnant ses gradins de roches blanches et de terre ocre jusqu’à la mer, l’Aude, pays à la croisée des chemins, d’orient et d’occident, nous a aussi prouvé la richesse intrinsèque de ses singles pour une partie de manivelles au pays des Parfaits, autrement dit les Cathares… En selle !

L’Aude est multiple, son territoire s’étend de cette montagne dite Noire au nord qui vit couver les premiers âges de la Terre, aux contreforts des Pyrénées où scintillent des myriades de lacs lovés dans des écrins de nature, havre de paix d’une faune disparue ailleurs.

Le Lynx semblerait bien errer dans cette nature, mais ne songez point à vous délecter de sa vision, l’animal est discret et son observation quasi-inexistante.
Sa présence est seulement le fruit de traces retrouvées ici et là mais sans plus de certitudes.

Entre ces montagnes, des milliers de chemins convergent, serpentent, sillonnent cette Aude des grands espaces où les pédaleux en tout genre pourront se targuer de trouver un terrain à leur convenance. Des alentours de la majestueuse cité de Carcassonne, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, en passant par la montagne d’Alaric jusqu’aux gorges de l’Aude, la ressource en singletracks est pléthorique. Le déplacement sur ces terres ne peut donc que réjouir les amateurs de nature onirique, les contemplatifs jouant du VTT telle une arme de découverte ou encore les avaleurs de kilomètres et de dénivelés…

Pour l’inclinaison, négative ou positive il n’y a que l’embarras et pourquoi pas les deux !

Dans cette Aude où la délectation est susceptible de poindre aux détours de chaque sentier, certaines silhouettes ancrées dans le paysage depuis des millénaires risquent de susciter en vous des vocations d’historiens.

Ma plume prolixe sur les vertus de ce coin de paradis s’enjoue déjà à l’idée de partager avec vous les senteurs méditerranéennes embaumant les bords de chemins, la torpeur du soleil qui réchauffe les vagues à l’âme toute l’année et les épingles de ce fameux single dont mes jambes fourmillent encore, sans parler de cette nature enivrante qui n’hésite pas à joncher le sol de multitudes de couleurs juste pour notre émerveillement.

Certes, l’Aude, c’est tout ça, mais aussi ce fameux patrimoine que l’on incombe aux affres de l’histoire et plus particulièrement aux Cathares.
En passant faisons connaissance avec cette richesse de notre passé pour que vos tours de roue dans ce fief de la croisade des Albigeois se transforme en une incursion dans les vestiges d’un autre temps.

Nos fidèles destriers n’étaient point sortis de l’imagination d’un ingénieur allemand sous le doux nom de Draisienne et seuls le cheval ou la mule pouvaient prétendre déplacer ces fameux Cathares d’un château à un autre.
Les « Parfaits », investigateurs de ces lieux où vos crampons lacèreront le rocher de quelques sentiers, possédaient une religion basée sur une opposition de deux créations : celle du Bon Dieu, un paradis éternel et spirituel et celle issue d’un mauvais principe : notre monde temporel et matériel.

De spiritualité, faisons-en preuve face à mon dérailleur tirant la tête des mauvais jours… Entre pragmatisme (se soldant par une montée de colère) et jubilation face au spectacle offert, mon cœur balance dans ces moments-là ! Mais dans une touche d’élévation de l’âme, je ne peux qu’acquiescer les préceptes de cette vie cathare. Ceci dit, les Catholiques de l’époque, un brin plus terre à terre (ont-ils changé ? pas sûr…) voyaient cette émancipation sous l’égide de la noblesse occitane d’un très mauvais œil.

Ainsi, la croisade contre les Albigeois fut déclenchée au début du XIII siècle pour 20 ans… Pourvu que ça dure moins longtemps en Irak, euh je m’égare ! Tout se finit par un bon bûcher à la mode inquisitoire de l’époque au début du XIV siècle et les Parfaits n’étaient plus, ouf pour les Catholiques !

De cette période mouvementée, l’horizon a gardé des multitudes de stigmates juchés sur des pogs vertigineux, ou aux sommets de falaises abyssales. Silhouettes décharnées, l’état de conservation est aléatoire… Le temps ayant fait son œuvre. Mais quelle belle opportunité que de se laisser guider en terre audoise, VTT aidant, par ces vigies désuètes balisant notre avancée sur le sentier Cathare.
En effet, le fil conducteur de nos déambulations fut ce sentier, tout balisé de jaune et bleu qui traverse les Corbières, sud de l’Aude, transversalement. Et si notre choix s’est porté sur ces contrées plus qu’ailleurs, seule l’imprégnation des lieux lors de votre voyage sous ces latitudes pourra vous faire prendre conscience de ce choix.

Le mysticisme d’une telle découverte est incommensurable tant les châteaux Cathares vous surprendront par leur implantation, les villages vous inciteront à des pauses rafraîchissantes sur une place buccolique, le terroir vous invitera à lever le coude pour étancher votre soif (et il fait très chaud… enfin avec modération !) et à user de la fourchette pour votre estomac.
Et puis en ce mois de mai qui nous vit déchirer quelques sentiers, ni les bikers et encore moins ces dit sentiers ne s’en sont encore remis, les Pyrénées au loin avaient revêtu leur plus belle tenue d’apparat.
La neige enrobait encore les sommets, la pureté du ciel nous permettaient de se jouer des tours et des détours de chaque vallée s’offrant à notre regard et le soleil s’acharnait à nous rendre chaque lever paisible et suave, une simple aubade aux parties de manivelles.

Celle dont tout un chacun rêve et qui colle la banane aux protagonistes de ce genre d’expérience. Et si je vous dis que ce tableau idyllique se renouvelle quasiment aux détours de chaque aube du calendrier, j’en vois déjà qui ont l’œil ravivé par cette petite lueur d’envie et qui cochent le planning pour les futurs congés, dans les Corbières… Tu m’étonnes !

Vous voilà prévenus sur les charmes incontestés de ce département, ne vous restant plus qu’à réunir armes et bagages, de préférence un Camelback en taille XXL et un bon spad d’enduro… pour vous rendre à Quéribus, point de départ de notre sélection de singletracks. Quéribus n’étant pas le nom d’un légionnaire romain croisé dans les pages d’Astérix, tremblant à l’approche du bedonnant Obélix mais belle et bien un château Cathare.
Enfin Cathare, ça s’est pour le côté commercial… Et oui, décidément les normes du marketing tendent toujours vers les mêmes biais, à savoir récupérer un fait, un terme si possible à la mode ! pour vendre… Du coup on se retrouve avec des mots galvaudés, tel que le freeride en VTT (je vais pas me faire que des potes sur ce coup…) ou des approximations historiques telles que les châteaux Cathares.
Non pas que vous ne soyez pas en Pays Cathare, leur présence est bien avérée ! Par contre les châteaux en question ne sont pas le fruit de leur sueur, ils s’y sont simplement réfugiés. Cette précision ne vaut donc que pour son caractère historique, pour le reste, vous vivrez à l’heure cathare tout au long de votre séjour et puis comme on ne sait qui sont les investigateurs de ces constructions, ça arrange tout le monde…

Donc vous partirez de Quéribus, d’ailleurs votre présence dans les antres de ce géant sera la bienvenue au coucher du soleil tant les jeux d’ombres et de lumières enluminent les murs millénaires de ce patrimoine. Pour la touche romantique, ceux qui auraient amenés leur dulcinée, je vous jure que ça peut vous aider pour justifier vos prochaines vacances dans le secteur, pour les autres… ben ma foi seul le silence prévaut vous replongeant dans un passé semblant réapparaître pour ces quelques instants mirifiques.
Du coup, vous patientez au lendemain pour démarrer VTT entre les jambes, juste de quoi faire monter l’excitation et être témoin « d’un silence et lumières » unique.

Et vous n’êtes point au bout de vos surprises, le château de Peyrepertuse, au loin marque déjà votre prochain point de passage. Ce paquebot échoué au sommet d’un aplomb vertigineux suscitera votre curiosité, tant le caractère improbable du site intrigue. Ce voyage initiatique au pays des Parfaits, sorte d’irréductibles gaulois de leur temps, vous conviera à la découverte de richesses renouvelant sans cesse vos émotions, vos plaisirs.
Les sentiers vous entraîneront dans des luttes fratricides avec les cailloux, la pente, mettant à rude épreuve vos machines rutilantes qui pour le coup risquent de rentrer un brin écaillées. Le physique aussi pâtira de ces joutes endiablées avec le terrain, où la chaleur peut se faire écrasante, les montées insolvables, les descentes titanesques… Mais tout le plaisir réside dans cette pluralité du terrain rencontré, des pistes invitant à la contemplation (un peu…), des singletracks lisses (très peu !), des singletracks cassants (beaucoup !) qui engendre des facéties infinies pour tous les amateurs de VTT sans fioritures.

Bien loin des spots à la mode, surchargés de monde flairant bon le rythme métro, boulot, dodo, les Corbières et le Pays Cathares vous déroulent le tapis rouge pour étancher vos envies d’escapade au long cours dans une nature préservée. Ce ne sont point les gorges de Galamus ou les pentes du Pech (pic) de Bugarach qui me démentiront, pas plus d’ailleurs que ce pont romain qui marquera la fin de ce périple.

Terre de contraste profondément marquée par les flux migratoires égrainant notre histoire, l’Aude s’est essayée à toutes les couleurs de langues, de peaux, de cultures, de religions… Les Ibères, les Celtes, les Latins ou encore les Goths sont passés sur ces terres pour y vivre un temps puis repartir vers de nouveaux horizons.
Un peu à l’image du vététiste qui tente des incursions dans de nouveaux paysages pour tirer toute la quintessence de ce que nous offre la nature, modelée par le temps, les éléments et les hommes. Dimension indissociable de cette évolution, l’homme joua de tous temps avec le relief pour commercer, échanger ou se protéger comme se fut le cas ici.
Dans les Corbières, ce temps semble plus proche, véracité du patrimoine prégnant, myriade de singletracks profanant la virginité de la nature mais l’inquisition n’est plus… tant mieux pour nous, impies vététistes !

Alors de cette expérience, retirez toute la jouissance incombant aux joies du VTT, sensation inéluctable de liberté, simple prolongement des aspirations des Parfaits d’antan, mais aussi imprégnez-vous du temps qui semble s’être arrêter invitant à une immersion poétique, contemplative dans ce paysage où résonnent encore les usurpations catholiques et les complaintes des Cathares sur le bûcher.

Et bientôt vos cris, d’hystérie, de joie, de bonheur face à tant de débauche de bienveillance de la nature pour votre simple plaisir, la perfection au pays des Parfaits… Et vous, l’êtes vous ?!

Mathieu