Le soleil caresse les cimes, peignant au passage un tableau idyllique pour le ski, dont nous sommes les témoins privilégiés en ce matin aussi froid qu’une pierre tombale.
Cette réalité semble anachronique en regard de notre passage la veille dans les rues d’Andorre-La-Vielle où le capitalisme exacerbé se hume à plein nez.
Entre débauche de cigarettes, d’alcools, de grandes surfaces en tout genre, nous nous sommes interrogé sur le potentiel réel des lieux. Sans parler de notre sensation d’égarements face à cette antithèse de la montagne que l’Andorre nous sert sur un plateau et dont nous nous serions bien passés…
Telle une exception confirmant la règle, la station d’Arcalis se love dans un écrin de nature dont la découverte va nous rendre plus prolixe sur les vertus montagnardes de la principauté Andorrane.
Rêve chimérique d’une montagne préservée ?
La route tortueuse et lancinante ne parvient, pour l’heure, a éveiller la moindre curiosité ou enthousiasme.
Le paysage rencontré depuis le passage au Pas de la Case, n’est qu’enchevêtrement de routes, ouvrages d’art, pylônes, magasins et bouchons. Dépeindre un tel paysage à 2000 mètres d’altitude malgré la présence abondante de la neige qui s’évertue en enjoliver le décor, ne peut qu’attiser déceptions et complaintes des montagnards que nous sommes.
Certes, les différentes stations de la principauté communiquent à grands renforts de visuels délectables entachant un peu plus les bords de route, mais sans rien changer à notre motivation décidément très moribonde à l’approche de la capitale Andorrane.
Nous nous empressons de quitter la ville pour remonter sur le Vall d’Ordino, venant buter sur la frontière franco-andorrane, où siège la petite station d’Arcalis.
La Massana dans le rétroviseur, la montagne semble revêtir de nouveau ses tenues d’apparat :
Hauts sommets barrant l’horizon, villages typiques s’égrainant langoureusement au fil de notre ascension, agressions de la société de consommation disparaissant, le charme agit.
Dans la voiture, le moral ressort des chaussettes et nos aspirations trouvent enfin un écho favorable dans ce paysage orgiaque en matière de possibilités.
Le village d’Ordino est un joyau préservé de l’architecture de montagne et une déambulation dans les rues s’impose le temps d’apprécier ce moment de quiétude, tranchant allègrement avec la torpeur urbaine qui parasite les montagnes à quelques encablures d’ici.
« Paisible » caractérise de ce Vall d’Ordino, où la haute-montagne s’étale sans partage.
Nous établissons nos pénates dans le coin pour mieux jouir de l’ambiance désuète de ce coin de paradis, remettant à demain la découverte de la station et de ces alentours…
Le soleil rosit derrière le Cerrère, entité forte dans le paysage de la crête frontière qui nous invite à une immersion dans le fond de cette vallée.
La station tarde à se dévoiler pour mieux nous séduire. A l’image des villages rencontrés, de l’ambiance planant sur ce bout de principauté, la station joue la carte du raisonnable.
Point de dilapidation du patrimoine naturelle sous ces latitudes, l’installation de remontées fleure avec la rationalité, et la discrétion est de mise pour les pylônes.
Véritable aubaine pour nos envies et notre venue dans ce bout de terre à la consonance hispanique, où la majorité des pentes reste à déflorer, par gravitation, à pieds ou à la peau.
Les skieurs hors-piste ou les randonneurs ne sont pas légion, voir inexistants, et tous les sommets enserrant la station présentent une bonne raison d’être gravis.
Couloirs vertigineux pour une poussée d’adrénaline, pâles aux allures débonnaires pour un ski plaisir, faces aux dimensions gargantuesques pour les assoiffés de grandes courbes, sections tarabiscotées pour les amateurs d’enchaînements aériens, le choix est pléthorique. Le tout dans des conditions d’enneigements exceptionnels, et ce tous les hivers, un vrai best-seller pour les « tracasseurs de poudreuse ».
Dans l’immédiat, la température est polaire, un gage de qualité pour la neige, et une invitation à l’effort, juste pour se réchauffer… Combe de l’Hortell, flancs du pic de Cataverdis, du pic d’Arcalis, autant de noms que nos spatules déflorent en ce matin frôlant la perfection. Nos spatules sont toutes retournées de cette débauche poudreuse, tandis que les autres stations andorranes ne proposent que du ski aseptisé, déconnecté de l’espace montagnard.
Les préjugés envahissants du début de séjour s’effacent au profit de la grandiloquence que nous offrent ces montagnes. Inespéré !
De la gravitation on passe à la marche, notamment dans les secteurs du Port del Rat et des crêtes de Creussans, décidément très en verve pour nous offrir des rotations inoubliables pour la qualité du ski.
Que dire du paysage ? Sur ces crêtes oscillant entre France et Espagne, chaque pas dévoile une nouvelle source d’inspiration, une nouvelle terre d’accueil pour nos spatules, un nouveau sommet. Puis chaque ligne source de politesse en tout genre, histoire de ne pas entacher notre capital «poudreuse ». Finalement entre contemplations, jouissance, un brin d’hystérie, un brin de frustration (les journées passent trop vite !), Arcalis nous dévoile infiniment plus que du ski, véritable havre de paix, îlot de nature en sursis dans un pays où l’urbanisation est outrancière.
L’eau à la bouche, les jours suivants seront fait d’éloignement croissant vers les hauts sommets, tantôt à pieds, tantôt à la peau mais qu’importe le moyen, pourvu qu’on est l’ivresse.
Notre vision de la montagne andorrane retrouve ici un caractère authentique, loin des usines à neige fourmillantes où apercevoir une once de nature préservée revêt de l’exploit. Ici, les panneaux publicitaires s’effacent au profit de murs de pierre, ancestraux, les « supermarcados » disparaissent au profit d’estives où l’on fane encore à la faux.
La station quant à elle tranche avec les standards d’émancipation actuellement en vigueur dans les autres stations de la principauté, aux regrets des investisseurs, mais pour notre plus grand plaisir.
Arcalis est encore le fruit d’une gestion mixte, balbutiant entre public et privé, dernier spécimen andorran du genre mais jusqu’à quand ? Faute de fréquentation, fruit d’une politique d’investissement très en deçà des autres stations, Arcalis vivote, feignant la faillite… Alors amateurs d’espaces vierges, de dépaysement, n’hésitez point à détourner votre route des standards habituels pour venir investir ici quelques euros !
La station et son personnel vous le rendront bien, puis une aubade au freeride dans sa version la moins galvaudé (je m’égare…) mérite bien d’avaler quelques rubans d’asphalte supplémentaires.
Mathieu