Piau

L’Espagne se refuse à nous pour une poignée de kilomètres. La vallée d’Aure s’étire dans le rétroviseur, les hauts sommets enserrent ce morceau de vallée, toujours pas de station sous les yeux…
Des doutes, des angoisses comme pour tout début de trip ou expé, où les questions se chevauchent plus vite que les réponses.

Pas inquiets pour autant, une perle rare doit nous accueillir pour du grand ski mais nous n’en savons encore rien. Retour sur un voyage initiatique aux frontières du raisonnable, poudre, fiesta, des brunes et du gros ski !

Soyons honnête, dans le genre trou du cul du monde tout en étant dans un pays occidental, difficile de faire mieux que la station de Piau-Engaly… Puis les embûches pour accéder à ce petit paradis terrestre du riding ne manquent pas !
D’abord l’affligeante pub version Saint-Lary, l’autre domaine qui squatte les pentes de la vallée d’Aure, sur lesquelles sont vantés les mérites du ski pyrénéen avec une photo de la Mer de Glace… Bof !
Ensuite, vient la traversée de Saint-Lary, station fashion de la chaîne (on rigole pas, surtout les alpins !) où se presse une foule innombrable de postérieurs féminins à même de ravir les jouisseurs en tout genre (glisse et le reste) que nous sommes.

D’autant que ramenant nos fats dans le coin entre Noël et Premier de l’An, l’ambiance est hot, eh oui ! Car dans le sud, le sang est un peu plus chaud surtout quand les Espagnol(e)s traversent la frontière pour s’y mêler… Bref, ça fleure le guet-apens !

Mais ne nous dispersons pas, dans les problèmes matériels pour regagner la station, il reste la route. Pas une mince affaire. Chaînage, enchaînements des virolos, gros rideau de flocons, caisse de doryphores (doux nom du bordelais dans nos contrées…) en travers, le tableau est un peu noirci dans l’immédiat.
Du coup, la nuit s’emparant de la vallée, autant passer la nuit au chaud. Demi-tour, nos pénates seront pour ce premier soir à St-Lary, autant dire que certains arborent fièrement la banane scotchée aux lèvres ! Faut bien tuer le temps, donc à coup de quelques canons descendus, les heures passent plus vite et les langues se délient, même s’il n’en faut pas tant aux locaux de l’étape, déjà très en verve, pour emballer tout ce qui bouge et se conjuguant au féminin.

Restera à voir si demain ça tracasse autant de poudreuse que ça ne parle au comptoir…

En parlant du lendemain, le voilà déjà celui-là, avec la tête dans un étau, les yeux sévèrement embués et la lourde tâche de réveiller tout le monde.
D’ailleurs, certains ne semblent pas être rentrés à vide, les courbes tout en rondeur de certains duvets témoignent du bon goût en vigueur… Label spécial pour Julien qui comme d’hab’ honore sa réputation, à valider sur des skis !

Ca cause beaucoup moins une fois autour de la caisse pour chaîner et peller. Par contre, une lueur traverse les yeux de tout le monde, la couche de nuage nous laisse lorgner un court instant du ciel bleu, juste de quoi fédérer tous les riders pour les tâches matinales.
Du coup, la motiv’ revenant et pas inquiet sur les conditions d’enneigement, 50cm au village à 800 mètres, le heavy metal pousse dans les baffles ! Plates excuses à Bob, mais les percus, ça sera pour ce soir, en retour d’une soul session.

La pression monte, les affres routières perturbent bien peu notre chauffeur, euh que dis-je notre pilote, Christophe nous faisant un petit remake pyrénéen de Jour de Tonnerre… Sauf que l’anneau de course manque un peu de sécurisation, faut ce qui faut pour chopper la première trace !
Tout le monde sera peut-être pas opérationnel pour cette fameuse première, les collègues ayant des vapeurs, pas grave y’aura encore plus de place pour tirer de la courbe à Mach 12.

Le Campbiel titille nos fats, face nord himalayenne, qui en ferait presque oublier que nous sommes partis pour une session Made in Pyrénées ! Et là se situent tous les avantages de ce coin de vallée d’Aure, enneigement excédentaire, première à ouvrir, dernière à fermer (cette année le 30 avril, pas les Grands mais bon…), paysages grandioses, et… cerise sur le gâteau, aucuns riders ne hantent la station !
Enfin pas tout à fait, mais ce qui déchirent sont dans la même voiture que moi et les autres se contentent de déchirer au comptoir le soir venu à grand renfort de gouaille (elle aussi typiquement sudiste !), beaucoup moins sur les skis !

En sortant de la voiture, je dois dire qu’un rapide sentiment de pitié m’a traversé l’esprit. Dommage pour eux, car ce matin nous révèle la perfection, ainsi que la station ou plutôt son directeur.

Réception trois étoiles pour le groupe, pas franchement pour le buffet petit déj’ ou le sourire des hôtesses de caisses, de toute façon on s’en fout ! Par contre, un télésiège pour nous, déversant sur un secteur de proximité, farcis de couloirs, barres, accessibles par gravitation et ce en version open bar de 8h30 à 9h00 !
Putain ici on sait recevoir, le photographe le cul sur le télésiège, les riders pour les rotations, du coup plus nombreux, cette vision de l’esprit ayant dissipée les dernières vapeurs !

Pas grave, y’en aura pour tout le monde ! De quoi énerver les touristes qui viennent de passer une semaine dans la nuit polaire, tout de même 1,50 mètres en quatre jours et les nouveaux arrivants qui doivent vider leurs caisses.

Pour nous, juste du plaisir à la sauce pyrénéenne, de quoi en oublier le photographe qui se gèle sur un pylône du télésiège face à aux couloirs dans lesquels les runs s’enchaînent avec une véhémence rare. Seuls quelques cris d’extase et de jouissance font office de communication entre nous, pas le temps de parler, faut crayonner.

Et avec une telle opportunité, la face sera laissée en lambeaux aux suivants. Egoïstes probablement mais au moins on n’aura de quoi raconter ce soir devant un demi sans « mythoner », désolé pour les autres !

Puis vient l’ouverture de la station, le temps pour nous de dégager vers les sommets de la station via le nouveau débrayable 6 places, classe, juste de quoi accélérer les rotations, on n’est pas là pour acheter du terrain et puis Christophe en version full gaz (certes sur un snow) nous guide à merveille dans les antres de la station.

De surprises en surprises, les fats vont bon train, ça déflore dru et de plus en plus loin des regards. Les faces n’ont rien « d’Alaskiennes » mais les runs bien que brefs revêtent une intensité rare, où alternent courbes supersoniques, gros gaps, soul turns et autres facéties inhérantes à la palette du rider.

Les rotations de 800 mètres sur le débrayable scotchent tout le monde et va falloir penser à se poser, ne serait-ce que pour se délecter de la vue. Du coup, direction le pic de Piau.

Quelques soupirs et autres vociférations remontant des gorges sèches des locaux de Piau, Elie en tête, skis sur le sac nous entamons l’ascension. Petite demi-heure pour les uns, plus pour les autres, on taira les temps (trop vexant) puis pause pour embrasser le paysage à 360°.
De quoi se rassurer sur la raison de notre présence pour les trois prochains jours. Imagination pressante, les jumelles sortent rapidement du sac pour évaluer le réalisme de certaines lignes.

Lorsque que portant mon regard vers les pentes du Campbiel, très prégnant dans le paysage de la vallée et à quelques encablures de peaux de la station, une avalanche aérosol déchire la quiétude des lieux.
Mille cinq cent mètres avalés à la vitesse du son, plongeant cette gigantesque face dans un nuage poudreux et plombant l’ambiance du groupe.

Partagés entre admiration face à la force des éléments et crainte de notre destin, nous revoyons nos ambitions à la baisse, les conditions sont vraiment critiques en altitude… Mais loin de se laisser abattre, la verve reprend le dessus pour mieux appréhender le run suivant.

L’Envers du pic de Piau se place comme un best-seller pyrénéen des itinéraires freeride et sa virginité qui s’étale sous nos pieds transcende nos spatules, nous mettant même en émoi… Un brin de fébrilité à l’enclenchement des fixations, les crochets des pompes claquent dans ce désert blanc, le casque prend place, les skis prennent la ligne de pente… L’accélération est progressive, les spatules déjaugent, les lattes claquent la première courbe sur une corniche, puis coulent sous l’épaisseur.

Une barre pour leur octroyer un souffle d’air, virevoltant à mach 12 dans ce matelas jouissif, ils sont implacablement scotchés au fond…
Pas de quoi en faire un drame, tous les prétextes sont bons pour en découdre un peu plus avec cette grande blanche… Du coup, les heures passent dans cet itinéraire, où les choix multiples sont légions et évitent de se marcher sur les pieds, ou plutôt les spatules.

Du bonheur, rien que ça !

La suite, à vous de la créer, pour nous ce fut débauche orgiaque de peuf sur des itinéraires de haute-montagne, dangereux pour certains et bien que ce soit les Pyrénées, que les montagnes sont moins hautes que dans d’autres spots, elles n’en sont pas moins dangereuses mais surtout généreuses !

De quoi glisser en toute sérénité, loin des stations aseptisées, mais aussi loin des regards et c’est le paradoxe de ce coin de paradis. Beaucoup pour se la raconter dans les shops, au bar, nettement moins sur les rotations freeride. Qui s’en plaindra ? Pas nous !

Mathieu

Remerciements au directeur de la station et au service des pistes pour leur collaboration plus qu’étroite et aux renoncements de certains principes de sécurité sur les installations pour nous permettre des rotations avec la station fermée.

Pratique :

Accès :
En voiture depuis Toulouse via l’A64 jusqu’à Lannemezan puis la D930 pour rejoindre St-Lary puis Piau-Engaly par la route de l’Espagne. A droite après la Chapelle des Templiers.

Hébergements :
Sur St-Lary, de nombreux hébergements collectifs existent, tels que le refuge « Lou Rider » à Espiaube qui vous garantira un accueil chalereux.

Le soir :
Sur St-Lary, de nombreux bars existent avec une préférence pour le Desman Café, où l’on cause glisse, certaines fois trop mais ça va avec le folklore.

Renseignements :
Station de Piau-Engaly : 05 62 39 61 69